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La qualité d’un objet est son premier critère d’écoresponsabilité d’une marque, selon Sapiens-Sapiens.

Avoir une entreprise textile nécessite de collaborer avec une multitude d’acteurs différents. Aujourd’hui, nous mettons à l’honneur notre partenaire et revendeur Liégeois : le magasin Sapiens-Sapiens.

Manu et Sylvie, les propriétaires de ce concept-store situé près de la gare Liège Saint-Lambert et du magasin WeCo Store, ont baptisé leur commerce “Sapiens-Sapiens, droguerie moderne”, en référence au savoir-faire à valoriser, selon eux, à travers les objets de la vie quotidienne. 

Leur assortiment nous fait voyager dans tous les espaces de la maison, de la cuisine à la salle de bain, en passant par le bureau et même le jardin. Tous ces objets partagent les mêmes critères de sélection, à savoir : leur longévité, leur qualité et leur design fonctionnel.

Lors de la Quinzaine de l’Économie circulaire, la boutique Sapiens-Sapiens accueillera notre formation sur la connaissance textile, qui aura lieu le dimanche 28 mai.

En amont de cet événement, nous avons rencontré Manu afin qu’il nous en dise un peu plus sur les valeurs de Sapiens-Sapiens et sur sa rencontre avec la marque Design for Resilience.

Découvrez le travail de retailer et le sourcing durable à travers l’interview de Sapiens-Sapiens ! 

Bonjour Manu, peux-tu te présenter et nous dire ce que tu fais ?

Bonjour ! Sylvie et moi-même sommes architectes de formation. Nous avons créé Sapiens-Sapiens avec l’envie de mettre sur pied un projet commun, porteur de sens et qui s’appuie sur notre amour pour les beaux objets bien pensés.

Manu et Sylvie dans leur boutique, gérants de Sapiens-Sapiens à Liège

Mettre en avant des beaux objets à travers une activité professionnelle ça vient déjà en partie de votre formation d’architecte ?

Exactement. À nos yeux, un objet est une architecture miniature. Sa réalisation demande les mêmes réflexions et exigences de conception et de réalisation qu’un bâtiment. Dans ces conditions, pour nous, un objet  devient intrinsèquement “beau” avant même d’avoir abordé le côté formel et esthétique. C’est ce qu’on appelle le design fonctionnel. Le meilleur exemple de la boutique est la cafetière italienne. Elle a été créée pour être produite en série et pour faire du bon café rapidement et facilement. Le public se l’est largement appropriée et elle est ainsi devenue un objet iconique.

Qu’est-ce qui vous a motivé à concevoir votre droguerie écoresponsable ?

Le côté éco-responsable de notre démarche est la conséquence de nos  critères de sélection. De fil en aiguille, nous avons découvert les tenants et aboutissants des méthodes et des lieux de fabrication, de la provenance des matériaux, des logiques des chaînes de distribution, etc. 

Notre souhait est de retrouver du bon sens dans l’acte d’achat. En premier lieu, cela peut être simplement “ai-je vraiment besoin de cet objet?”. L’éco-responsabilité a, à nos yeux, plusieurs visages. Il y a bien sûr celle apportée par l’objet lui-même mais ça peut aussi être des aspects indirects. Notre leitmotiv est de trouver un équilibre entre nos besoins, nos aspirations, notre pouvoir d’achat et la disponibilité des produits de qualité, en circuit court. Avec l’idée d’aller vers toujours plus d’éco-responsabilité, bien sûr. 

« …la qualité de l’objet est pour nous le premier critère d’écoresponsabilité. »

Manu

Est-ce que pour toi, il y a un lien entre un objet bien fait et l’écoresponsabilité ?

Oui, un objet de qualité et bien conçu va être utile et efficace. La personne va l’employer régulièrement et probablement avoir envie d’en prendre soin. Pour nous, ce rapport à l’objet est aussi un vecteur d’éco-responsabilité dans le sens où l’objet aura une longue vie. Par contre, cet aspect ne tient pas compte du lieu de fabrication par exemple. C’est pour ça que j’ai mentionné la question d’équilibre ou de bon compromis. Un objet fabriqué localement avec des matériaux naturels est-il éco-responsable s’il est mal réalisé ou acheté impulsivement et laissé dans un tiroir ? Dans tous les cas, effectivement, la qualité de l’objet est pour nous le premier critère d’éco-responsabilité. L’idéal est de poursuivre la réflexion sur le contexte de sa production.

Quand vous choisissez une marque, quels sont les critères essentiels qu’elle doit posséder pour figurer dans votre magasin ?

En premier lieu, c’est la longévité des objets qui dépend en grande partie de la qualité des matériaux employés et du procédé de fabrication. Le cas échéant, la possibilité d’avoir des pièces de rechange est également importante. 

La provenance est un critère qui est venu naturellement mais dans un second temps. Si la fabrication de l’objet est toujours en place sur le territoire européen et que le rapport qualité/prix est juste, on ne se pose pas de question. Il arrive par contre que le prix de vente du produit, même s’il est justifié, dépasse la gamme de prix que nous voulons pratiquer, par exemple parce que le fabricant a un rythme de production très bas par rapport à ses coûts de fonctionnement. Nous allons alors vraiment peser le pour et le contre car nous ne souhaitons pas être une boutique de luxe.

C’est là tout l’enjeu des nouvelles entreprises qui se lancent comme Design for Resilience. Vanessa a un grand souci que l’ensemble de la chaîne de fabrication et de distribution soit juste pour tous. Je pense qu’elle y parvient et c’est vraiment à souligner.

Jusqu’à présent, nous avons fait le choix de garder une certaine flexibilité sur la provenance de la marchandise. Il faut garder en tête que la concurrence est la réalité du monde économique dans laquelle doivent évoluer les entreprises. Certaines marques de confiance ont fait le choix de délocaliser mais mettent en place des cahiers des charges stricts sur les conditions de travail et sur la qualité des objets. Dans ces cas-là, pour nous, ce qui prime, c’est de proposer un objet de qualité qu’on achètera qu’une seule fois. Concernant le sourcing (l’approvisionnement, NDLR), il faut vraiment tenir compte de tous les paramètres. 

Est-ce que pour vous la qualité ça se paye ?

Comme nous a dit un jour un client : “Je n’ai pas les moyens d’acheter bon marché”. Donc, oui, la qualité ça se paie mais c’est toujours plus rentable d’acheter un produit de qualité plus onéreux que de devoir remplacer plusieurs fois son équivalent bon marché. En boutique, nous proposons parfois deux niveaux de qualité : bonne et très bonne. Une fois l’objet en main, en général les clients n’hésitent pas car la sensation en main, le poids, les finitions expliquent d’eux-mêmes la différence de prix.

Vos clients sont-ils réceptifs quand vous expliquez le pourquoi de la différence de prix qu’il y a entre deux articles ?

Oui. La plupart du temps, les clients qui entrent dans notre boutique ont déjà un niveau d’exigence sur la qualité. Mais les explications supplémentaires peuvent faire la différence. Dans le cas de Design for Resilience, c’est clairement le cas. Les produits ont un certain prix qui peut freiner l’achat, en particulier pour la gamme destinée au ménage. Dès que les valeurs du projet de Vanessa sont partagées, la réticence s’efface immédiatement. Mais cela demande un réel échange avec le client et des explications précises sur la démarche du fabricant. Notre intervention termine de convaincre le client.  

Le fait que nous soyons vraiment convaincus des articles que nous proposons facilite les choses. Avec le temps, les clients nous ont accordé leur confiance car il n’y a aucun objet dans notre boutique que nous n’achèterions pas pour nous-mêmes ! Je pense aussi que nous abordons le prix et le caractère éco-responsable de notre assortiment par des aspects positifs : les valeurs de l’entreprise, l’efficacité du produit, son impact socio-économique,… Alors que beaucoup voient l’éco-responsabilité comme une restriction, cette façon de faire change vraiment la donne !

Confection de l’éponge vaisselle écoresponsable de Design for Resilience en Belgique

« Ce qui est “magnifique” aussi, c’est la mise en place en Belgique d’une nouvelle entreprise qui préserve le savoir-faire du textile industriel qui est pratiquement en voie de disparition. »

Manu

Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez travaillé avec Vanessa ? Comment s’est passée votre rencontre ?

C’est l’une de nos clientes qui nous a fait découvrir le travail de Vanessa! Nous avons immédiatement compris que ça collait à 1 000 % avec notre ADN et nous sommes allés la rencontrer dans son atelier.

Design for Resilience est un projet fort, très cohérent et ambitieux. Vanessa propose des articles d’une très grande qualité, efficaces, magnifiques visuellement mais pas seulement.

Ce qui est “magnifique” aussi, c’est la mise en place en Belgique d’une nouvelle entreprise qui préserve le savoir-faire du textile industriel qui est pratiquement en voie de disparition.

Design for Resilience a su faire une proposition forte et rassembler les ressources humaines pour faire exister le projet dans une chaîne de fabrication et de distribution qui respecte tout le monde depuis les fournisseurs de matières premières jusqu’au consommateur final. A l’heure actuelle, ce type d’entreprise est à nos yeux un vrai petit miracle qu’il faut saluer et soutenir en achetant ses produits. 

Sylvie, Manu et Vanessa devant la droguerie moderne liégeoise, Sapiens-Sapiens

Quels sont les freins qui vous empêchent de fonctionner comme vous le souhaiteriez ? 

C’est vrai qu’idéalement, on aimerait n’avoir que des projets aussi intègres que celui de Design for Resilience ! Mais, pour couvrir l’ensemble de notre gamme, ce n’est malheureusement plus possible. C’est le savoir-faire qui peut être perdu ou bien la disparition des lieux de fabrication, des machines nécessaires,… Une concurrence trop rude pour arriver à vendre sa production locale à son juste prix. C’est vraiment complexe. 

Il existe encore heureusement pas mal de choses en Europe. En général, ce sont des entreprises qui existent depuis des décennies voire des siècles. Leur expérience et leur volume de production permet de proposer des articles de grande qualité à des prix très raisonnables. Avec Sapiens-Sapiens, nous participons à notre mesure à la pérennisation de leurs activités. 

Pour les nouvelles entreprises locales qui doivent investir et rentabiliser leur modèle, c’est très difficile de concurrencer les productions étrangères. Pour y arriver, il faut trouver l’équilibre entre les coûts de fabrication et de distribution et un prix de vente juste. Si cet équilibre n’est pas atteint, il y a alors deux possibilités : soit vendre l’article à un prix trop cher pour le marché, soit rogner les marges fabricant et commerçant pour  proposer un prix plus léger au client. Et c’est là que ça coince car les entreprises et commerces indépendants ne peuvent pas supporter économiquement ce genre de démarche. 

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Actuellement, nous renforçons notre présence digitale. Même si rien ne remplace le plaisir d’être en boutique avec nos clients, la présence en ligne est devenue indispensable. Avec notre nouveau site internet, nous augmenterons la partie didactique pour informer nos clients et les aider à faire les bons choix en terme de consommation.

La rencontre avec Vanessa nous a vraiment interpellé car elle a une vision sans concession de l’éco-responsabilité et du sourcing. Cela a ravivé notre regard sur nos choix et nous l’en remercions. Je pense qu’elle prouve à tous qu’une autre manière de concevoir, fabriquer et de consommer est possible. Dans cette optique, nous souhaitons être plus attentifs aux nouvelles entreprises qui se lancent sur le territoire belge et européen, tout en continuant à travailler avec nos marques historiques.


Cette interview et notre formation ont été réalisée et proposée avec le soutien de la Wallonie dans le cadre de l’appel à projet de Circular Wallonia pour le programme de la Quinzaine de l’économie circulaire.